Dans le film Matrix des Wachowski sorti en 1999, Morphéus propose au héros Néo de choisir entre deux pilules. La bleue permet de rester dans un doux monde d’illusions rassurantes. La rouge au contraire dévoile une réalité oppressante. Néo va choisir la rouge et ainsi nous permettre de voir une trilogie de science-fiction époustouflante.
En 2021 en France, Morphéus est chroniqueur sur Cnews et Sud Radio et sa pilule rouge est trafiquée. L’extrême-droite fantasme une société française à feu et à sang qui lui permettrait d’assouvir ses désirs morbides de violences racistes et d’épurations politiques. A travers tous les médias complaisants, les graines de fascistes martèlent que la société française « s’ensauvage », que nous serions au bord d’une « guerre civile ». Il semblerait que beaucoup d’hommes et femmes politiques et de journalistes aient déjà gobé cette pilule rouge faisandée. Rituellement, à l’approche d’échéances électorales, des candidats mal inspirés reprennent le thème de l’insécurité sous le seul prisme des violences interpersonnelles, alimentant ainsi l’écho de l’extrême-droite.
Le paysage décrit par ces éditorialistes manipulateurs ou ces généraux à moitié séniles est bien entendu faux. A ceux qui osent parler de guerre civile en France, nous ne pouvons que les inviter à aller faire un tour en Ukraine, en Syrie ou en Palestine afin de les aider à relativiser leur propos.
Cependant laisser circuler ces récits délirants est dangereux. A force de rabâcher ces mensonges, le risque est de les transformer en prophétie autoréalisatrice. Le but de ces intox est de nous faire modifier nos comportements pour devenir plus méfiants, plus angoissés, pour réagir plus violemment face à des événements ou des communautés que l’on ne comprendrait plus.
Nous avons pourtant à notre disposition une arme terriblement efficace : la réalité statistique. Non il n’y a pas plus de violences sur les personnes dans la société d’aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans (sans même remonter à la Seconde Guerre Mondiale ou la guerre d’Algérie). Les homicides et coups et blessures ont baissé, les vols restent stables. Seules, les violences sexuelles croissent mais parce qu’il y a une plus grande propension des victimes à porter plainte. Pour terminer sur un exemple local, l’Aveyron est classé 97ème sur 101 départements en terme d’insécurité.
Certes l’époque est morose. Elle se prête donc facilement à ces discours défaitistes et anxiogènes. Il en va donc de la responsabilité de chaque citoyen et citoyenne. Contestons sur tous les réseaux médiatiques ces discours malfaisants. Opposons à ceux qui veulent nous mener sur le terrain de l’insécurité, l’insécurité sociale et sanitaire. Ce qui tue en France ce sont le chômage, la misère, le manque d’accès aux soins. Défendons donc l’optimisme de projets politiques émancipateurs. C’est ainsi que l’on gagnera la bataille de l’imaginaire.