La majorité se vante de gérer le budget de la ville en « bon père de famille », qui évite l’emprunt et cherche à anticiper ses remboursements.
Outre le ton patriarcal, cette posture nous pose problème aussi par son manque de bon sens. Malgré notre prétendue incompréhension générale de la question financière nous allons essayer d’expliquer pourquoi éviter l’emprunt, anticiper les remboursements, n’est pas une bonne gestion de ville.
D’abord, le budget d’une ville ne peut pas se comparer au budget d’une famille. Parce que le temps n’a pas le même impact. Les villes ne meurent pas vraiment et surtout pas pour les mêmes raisons que les membres d’une famille. Elles ont la capacité de se renouveler et d’avoir une longévité qui ne se compte pas en année pour peu que ses gestionnaires investissent pour elle et ne la laisse pas se désertifier au triste profit de l’étalement périurbain.
Ainsi l’emprunt d’une personne physique et mortelle ne peut être comparé à l’emprunt d’une entité matérielle et immatérielle qu’est une ville. La ville nous survit, c’est elle qui a une dette et non pas le ou la maire personnellement. Et comme la ville ne disparaît pas, elle sera toujours là pour payer.
Le seul moment où la dette peut être désavantageuse, c’est si elle commence à freine les créanciers parce qu’ils estimeraient que de prêter n’est pas assez sûr. La ville mettrait trop de temps à rembourser. Trop de temps pour eux. De son côté la cours des comptes estime que la ville est bien gérée quand la capacité de désendettement s’élève à 6 ou 7 ans. Rodez, c’est 7 mois. La capacité de désendettement c’est déjà une notion abstraite, parce qu’il s’agit d’imaginer la ville sans plus aucune dépense mais en gardant toutes ses rentrées et de voir en combien de temps elle rembourserait les emprunts en cours. En réalité la ville continue de vivre et tant qu’elle vit elle paye ses emprunts et au fur et à mesure.
Les avantages de l’emprunt c’est de ne pas faire porter au citoyen.e d’aujourd’hui le prix de tous les investissements à faire dans la ville pour améliorer sa qualité de vie et donc sa longévité. C’est de pouvoir avoir une vision sur du long terme en engageant des modifications plus profonde que des rafistolages progressifs. C’est de prendre en compte le contexte social et économique qui nous incite à soutenir renforcer pour relancer plutôt que de restreindre pour économiser et en faire pâtir les centres villes.
Aujourd’hui il est particulièrement intéressant d’emprunter parce que les taux d’intérêts sont très bas, preuve de confiance et de stabilité dans le remboursement. Ils sont même plus bas que ce que fait perdre l’inflation à de l’argent non dépensé. En effet l’inflation c’est l’augmentation des prix due à la baisse de la valeur même de l’argent. Donc le pouvoir d’achat qui diminue, on peut acheter de moins en moins avec la même somme.
Donc pour une ville, lorsqu’elle emprunte de l’argent elle doit rembourser son emprunt plus les intérêts qui représentent en ce moment environ 1% de la somme emprunté. Comme l’argent se dévalue (aujourd’hui l’inflation est à 4%) c’est comme si elle remboursait moins que ce qu’elle avait emprunté, même en comptant les intérêts. Mais lorsque la ville économise sur ses budgets d’une année sur l’autre pour payer cash ou rembourser vite elle ne profite pas de l’inflation. Cet argent gardé vaut donc de moins en moins. Au lieu d’avoir investi rapidement avec un argent qui vaut plus, le garder lui fait perdre de sa valeur et retarde les améliorations possibles grâce lui.
Dans ce contexte, vouloir se serrer la ceinture et éviter d’avoir de la dette ne peut être considéré comme une bonne gestion. C’est même maladroit. Le maire et son équipe ne doit pas gérer le budget d’une ville comme une bonne mère de famille mais comme un ou une bonne maire de ville.